Histoire noséabonde
Cette histoire se passe dans une région que bien peu de gens connaissent, et que presque personne n'a visité. C'était un endroit presque inaccessible, pas tant parce qu'il était entouré de régions aride, désertiques et dangereuses, ni parce qu'il n'y avait là-bas que des charognes mais que jamais on n'y entendait ni voyait le prédateur, ni parce qu'il y régnait en maître une odeur tellement nauséabonde que les mouches elles-mêmes creusaient des trous dans le sable pour y enfouir leurs têtes, comme elles l'avaient tant de fois vu faire par les grands oiseaux qui ne volent pas.
Or donc, dans ce lointain pays, vivait un seul homme. Seul, parce que personne à part lui ne pouvait y vivre, comme je vous l'ai déjà conté. Homme, dis-je, parce qu'il faut bien donner un nom à chaque chose, bien que cette créature difforme et muette (il ne parlait, ni n'entendait pas plus qu'il ne voyait ni ne sentait -c'est sans doute pour cela qu'il acceptait de vivre dans un tel endroit-) ne ressembla en rien aux gentilshommes de la cour de Sa Majesté de Londuvie.
Lepouilleux, comme il aimait à se faire appeler -car le mouvement sur les lêvres était doux au toucher-, passait ses journées à ne rien faire, mangeant ce qu'il trouvait sur place à la tombée de la nuit : il sortait de son trou de sable (coutume locale), marchait sans cesse, et dès qu'il butait sur un cadavre, il savait reconnaitre de sa main les parties qui n'étaient pas encore rongées par les vers, pour les porter à sa bouche et enfin se nourir. Il ne buvait que les larmes des morts, qu'il prélevait en abondance en coupant avec son bilame, les dessous des paupière des bêtes abattues. Puis, avant le jour, il creusait de nouveau un trou, non loin de là où il était car il ne faut pas se déplacer dans cette région (on ne sait pas sur qui on tombe), et dormait jusqu'au crépuscule.
Mais un jour, les gentilshommes du roi, de l'ordre de l'Hippogriffe bleu, qui passaient par là, s'enfuirent devant une bête plus grande qu'un temple au dieu Soleil, plus terrifiante que tout ce qu'ils avaient combattus (mis à part le Grand Dracosîre lors des temps funestes et lointains). La bête s'était mise en chasse, et, les poursuivant, avait disparu dans le lointain. La région devint alors plus calme que jamais elle ne l'avait été auparavant (c'est très très très très très calme, ça...). Les animaux ne firent plus le bruit que déjà avant ils ne faisaient pas, les mouches ne chantaient plus la Carioca comme avant (maintenant elles le chantent en turcmènes plutôt qu'en arraméen classique)...
Et le lendemain, lorsqu'il se leva, Lepouilleux n'entendait plus rien. Il ne voyait rien, n'entendait rien, ne sentait rien ! Comment allait-il pouvoir continuer à vivre comme avant dans ces conditions? Alors, comme à son habitude, il se remit en marche à la tombée de la nuit. Il marcha, marcha, mais ne tomba pas sur un cadavre. Pas même un corps en lambeaux non comestibles, pas même sur un seul petit vermiceau. Alors il marcha, et ne s'arrêta pas. Aujourd'hui encore, il marche, car il ne fait pas la différence entre le jour et la nuit, et jamais ne s'arrête.
C'est depuis ce jour qu'est né ce nouvel ancien adage : Rien ne sert de courir, si l'on a le temps.
EPILOGUE : D'ailleurs, bon marcheur, et possédant une fibre artistique de par sa mère, qui lui murmurait à l'oreille les vieilles chansons de par chez lui, il paraîtrait qu'on peut l'entendre penser chanter, à pensée basse, pour lui-même (l'asocial !) : douze milliards quatre-vingt huit milles deux cent vingt quatre kilomètres à pieds, ça use, ça use... Mais certaines mauvaises langues disent qu'il les fait en chaise roulante, et qu'il triche de temps en temps sur les kilomètres.
Tralalayoupie! (olé) (yep) (euh...)
Savez-vous planter windows, à la mode, à la mode...